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Interview Will Solomon : «On fait le plus beau métier du monde !»

Interview Will Solomon : «On fait le plus beau métier du monde !»

Will Solomon est un monument du basket européen. Il a brillé en Euroleague avec le Maccabi ou Fenerbahçe. Remporté 2 coupes d’Europe avec l’Aris et Jérusalem et disputé 2 saisons de NBA. À 37 ans, le Roi Salomon est toujours performant et vient d’offrir la Leaders Cup Pro B aux Sharks…

Will, vous allez avoir 37 ans en juillet prochain. Après une aussi longue et riche carrière que la vôtre, qu’est-ce qui vous pousse à continuer ?

En fait, comme le slogan de la NBA le disait : I love this game ! L’été, j’adore passer mon temps à jouer avec des potes sur des playgrounds. Ou aller dans une salle, retrouver des joueurs et juste jouer. J’aime vraiment le basket, c’est aussi simple que ça. Heureusement, je n’ai jamais eu non plus de graves blessures qui m’auraient obligé à bosser comme un dingue juste pour être capable de courir à nouveau. Je me sens bien dans mon corps et, tant que j’aime toujours autant  ce jeu, je me dis : pourquoi arrêter ?  Bon, OK, j’avoue, peut-être que si je jouais au fin fond de la Russie, à un endroit où, en ce moment, il y a encore 4 m de neige et qu’il fait -15, je me poserais plus de questions. Mais là, je suis dans un club sympa, dans une région magnifique et très agréable à vivre, donc ça aide aussi…

J’avais prévu de vous poser cette question bien plus tard, mais puisque vous m’en parlez… En 15 ans de carrière, vous êtes passé par la Grèce, Israël, la Turquie, Antibes et seulement quelques mois en Ukraine. Vous avez posé une « limite Nord » au-delà de laquelle vous ne voulez pas jouer ?

(Il rit) Non, pas vraiment ! Mais à ce point de ma carrière, c’est vrai que ma famille entre vraiment en ligne de compte. Tous apprécient de vivre ici et c’est important. Sérieusement, je n’ai jamais vraiment réfléchi à ça avant, mais j’ai été plutôt gâté pendant ma carrière. En Israël, il fait tout le temps beau, à Salonique, pareil. En fait, l’endroit le plus froid où j’ai passé du temps est Istanbul. Et ce n’est pas la Sibérie non plus, même s’il y neige parfois ! En Ukraine, en revanche, j’ai connu ma pire expérience de basketteur. J’y ai passé quatre, non cinq mois là-bas ? J’avais fini la saison à Mersin, en Turquie, mais je n’ai pas du tout aimé l’Ukraine.

Cet été, avec la relégation d’Antibes, beaucoup pensaient vous voir quitter le club. Pourtant, vous avez décidé de re-signer, même pour jouer en Pro B. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

En fait, j’étais arrivé en décembre la saison dernière. Antibes était déjà à la dernière place de la Pro A. La dynamique n’était pas bonne, avec de nombreux changements de joueurs, un coach coupé, etc. Moi, j’avais le sentiment que j’aurais pu apporter plus à l’équipe pour la sauver. J’ai donné le maximum, mais je n’ai pas pu la porter sur mes épaules. Alors, cet été, je me suis dit qu’il était un peu de mon devoir de tenter de ramener le club en Pro A.

Vous êtes allé à Clemson, en NCAA…

(Il coupe) Oui, c’est une excellente école. À la fois sur le plan scolaire et sportif. On dispute l’ACC, avec North Carolina, Wake Forest… J’ai adoré Clemson, même si c’est vraiment plus encore une fac où le football (américain bien sûr) est roi.

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Will Solomon entouré de Shane Battier et Pau Gasol avec les Memphis Grizzlies en 2001

Mais pourquoi avoir quitté Clemson dès votre deuxième année, vous pensiez pouvoir être drafté au premier tour ?

C’est vrai que de ne pas être pris au premier tour a été une mauvaise surprise. Dans les mois d’avant la draft, tous les sites ou presque me situaient autour du 18e, 20e choix au pire. Finalement, j’ai été choisi au second tour, à la 32e place, donc sans contrat garanti. Mais bon, j’ai quand même réalisé mon rêve de gosse. Les Memphis Grizzlies m’ont drafté, j’ai eu l’occasion d’y jouer une saison et puis… j’ai effectué une carrière en Europe que j’ai adorée et qui m’a aussi ouvert l’esprit. Pour être franc, une fois en Europe, je n’ai jamais plus vraiment rêvé de retourner en NBA. J’y suis retourné, mais c’était presque plus pour faire plaisir à mon agent qui me mettait la pression et à ma famille qui voulait me voir jouer à la télé américaine…

Il faut dire que vos débuts européens ont de suite été couronnés de succès puisque vous enchaînez deux victoires en coupe d’Europe en deux saisons. La FIBA Champions Cup en 2003 avec l’Aris Salonique puis l’ULEB Cup (équivalent de l’Eurocup actuelle) avec l’Hapoel Jerusalem…

Oui, c’était un début génial. Avec l’Aris, c’était l’équivalent de l’EuroChallenge aujourd’hui. J’avoue que je n’avais pas trop idée du niveau de cette coupe à l’époque, mais c’était une belle aventure. Et l’année d’après, l’Eurocup avec l’Hapoel. À chaque fois, j’ai aussi été élu MVP de la compétition. Une bonne manière de vous faire connaître ici, non ? Dès ce moment, j’ai senti que l’Europe était devenue ma maison. Sur le plan du jeu comme pour la vie en général, j’ai été convaincu que je me sentirais mieux de ce côté de l’Atlantique…

Après avoir découvert l’Euroleague avec Efes Pilsen la saison suivante (en 2004-05), vous passez ensuite une superbe année au Maccabi, avec à la clé une finale de la compétition reine européenne. Pourquoi n’êtes-vous resté qu’un an au Maccabi ?

En réalité, la proposition faite par Fenerbahçe était alors… impossible à refuser. Ils disputaient l’Euroleague et, sur le plan financier, c’était une manière de mettre ma famille à l’abri. Tout juste trois fois plus que mon contrat au Maccabi pour être franc. En plus, ils fêtaient le centenaire du club cette saison-là et ils voulaient vraiment profiter de cette célébration pour remporter le championnat turc de nouveau. Et en fait, Anthony Parker et un autre joueur partaient pour la NBA, Nikola Vujcic quittait aussi le club, j’ai donc pensé que c’était le bon moment pour moi de partir également.

Votre meilleure expérience basket, était-ce à Fenerbahçe ?

Oui, franchement. J’y ai passé trois saisons et quelques mois. Vous savez, ce club est incroyable. Il possède quelque chose comme 20 millions de fans en Turquie et à travers le monde. À chaque match, ils sont 14.000 à venir vous soutenir, que vous jouiez contre le Panathinaikos ou contre le dernier de la ligue turque. Ils chantent tout le temps, dans vos moments forts comme quand l’équipe doute. Ils vivent pour le basket et pour le foot, ils vont à tous les matches. Non, j’ai vraiment passé de très belles années là-bas. Nous sommes allés en quart de finale d’Euroleague, à un match du Final Four, avons été champions de Turquie trois fois, gagné des coupes. Istanbul, en plus, est une ville géniale, excepté pour les embouteillages. Fener est sur la rive asiatique et je vivais côté Europe. Et traverser ce pont immense, qui enjambe le Bosphore, est juste un combat quotidien !

Will Solomon aux Raptors en 2008
Will Solomon aux Raptors en 2008

À 30 ans, en 2008, vous décidez de retourner en NBA, à Toronto. Qu’est-ce qui avait motivé ce choix ?

En fait, deux ans avant, nous avions joué Toronto avec le Maccabi, en présaison, et les avions battus. Anthony Parker avait été le top scoreur, juste devant moi. La saison suivante, Anthony signait à Toronto et… ils sont venus me chercher quelques mois après. Mais pour être honnête, je ne rêvais plus de NBA à ce moment-là. Je l’ai vraiment fait pour ma famille, je veux dire toute ma famille, aux USA. J’étais parti en Europe depuis longtemps et ils voulaient pouvoir venir me voir jouer, regarder mes matches à la télé… Ils me bassinaient avec ça… Bon, ce n’était pas le bagne non plus, c’était quand même la NBA…

Mais le challenge sportif, voir si vous aviez le niveau pour y briller, ne vous tentait pas ?

Moi, j’avais déjà réalisé ce rêve de gosse quand j’avais signé et joué avec Memphis à ma sortie de college. J’avais aussi pu découvrir le business – parce que c’est vraiment un business – NBA, comment les choses fonctionnent. Et j’avais vraiment l’impression que je pouvais bien mieux m’exprimer sur un terrain en Europe qu’en NBA. Franchement, chaque été ou presque, mon agent me demandait si je voulais qu’il teste les franchises NBA à mon propos. Il tentait de me convaincre d’essayer. Mais à chaque fois, je lui disais : non, je suis bien ici. Je voulais aller au bout de mes trois ans de contrat à Fenerbahçe et puis on verrait ensuite. Mais à l’été 2008, le coach des Raptors est venu me voir à Atlanta pour me convaincre. On est ensuite allé visiter la ville, le club. Forcément, quand j’ai ensuite interrogé mes enfants et ma famille, ils m’ont tous dit : NBA ! Alors, j’ai tenté le coup. Franchement, les choses se passaient bien à Toronto (4,9 pts et 3,2 pds en 49 matches, ndlr), mais après, j’ai fait partie d’un trade qui m’a envoyé à Sacramento. Le business, encore une fois… Là, il y avait Fenerbahçe qui m’appelait tous les jours pour que je revienne. Ils me disaient : « King Solomon (son surnom depuis son passage en Israël, en référence au Roi Salomon, ndlr), ils ne savent pas t’utiliser aux Kings, reviens avec nous. » Alors, j’ai demandé aux Kings de me libérer et je suis allé finir la saison avec Fener.

Revenons à Antibes. Vous avez gagné la Leaders Cup Pro B, même si pour un club comme le vôtre, la qualification promise pour les playoffs n’était pas vraiment un enjeu fort. Est-ce que la motivation pour cette épreuve est venue au fil des tours ?

Honnêtement, en début de saison, le coach utilisait cette épreuve pour faire monter en puissance les jeunes. Lors des premiers matches, qui venaient avant le début de saison de Pro B, le club prenait ça comme un surplus de préparation pour le championnat. Et je me souviens d’être allé voir le coach, les dirigeants, pour leur dire : « Hey, nous avons une bonne chance de gagner ce titre, il faut la jouer ! » Au premier tour, je n’ai pas joué les deux premiers matches, Tim Blue non plus, les gamins étaient sur le terrain presque pour tout le dernier quart temps… Et pourtant, nous nous sommes qualifiés. Après, nous nous sommes mis à tous être plus concentrés sur cette épreuve et, une fois que nous avons eu le trophée en main, le coach est venu me voir et m’a dit : « tu me l’avais dit depuis le premier jour qu’il fallait qu’on joue à fond ». C’était la toute première Leaders Cup Pro B. Antibes est maintenant dans l’histoire, d’une manière ou d’une autre. Vous savez, c’est juste pour des instants comme ceux-là que je joue au basket. C’est ce qui rend nos jobs si savoureux…

La finale à Disney a été étrange pour vous. Vous y jouez votre pire match de l’année, sans être capable de mettre un shoot, puis… vous marquez les 11 derniers points des Sharks pour aller chercher la victoire…

Exactement. Je ne sais pas pourquoi, mais rien ne rentrait. Bon, je suis assez vieux pour savoir me rendre utile autrement, dans l’organisation du jeu ou en défense, quand ces choses-là arrivent. En montrant l’exemple autrement. Et puis, dans les dernières minutes, j’ai trouvé le moyen de scorer. En fait, j’ai été dans ces situations tellement de fois. Avec l’âge, l’expérience, vous apprenez à vous connaître et à mieux lire les défenses. À trouver ce que l’adversaire vous offre et ce qui ne passera pas. Là par exemple, ils avaient fait du bon boulot sur les écrans. Ils se battaient pour passer sur chaque écran. Mais j’ai remarqué que leurs grands étaient épuisés et qu’ils avaient du mal à me couvrir tout en se méfiant de Tim Blue, qui peut shooter de loin. Alors j’ai pu trouver des trous de souris pour aller marquer en pénétration.

Les Sharks vainqueurs de la Leaders Cup Pro B en Février 2015
Les Sharks vainqueurs de la Leaders Cup Pro B en Février 2015

En revanche, vous avez perdu deux matches face à Aix et Nantes, juste avant et après la Leaders Cup. Sans ces deux défaites, vous seriez tout près de Monaco et du HTV. Est-ce le signe d’un peu de déconcentration causée par la finale ?

En fait, nous avons pas mal de jeunes joueurs pour lesquels c’était leur toute première finale. Alors, sans doute qu’on a mobilisé beaucoup d’énergie autour de cet événement. En plus… il y avait Disneyland, nos familles étaient là… Alors, je crois qu’on a un peu perdu notre concentration. Mais ces deux défaites nous ont vite remis les idées en place. Nous n’avons rien prouvé encore. Si nous voulons monter, il va nous falloir être encore plus forts mentalement.

Après, vous avez administré une vilaine fessée à Roanne…

Oui, c’était une belle victoire pour nous. Nous voulions commencer fort, histoire d’essayer de les faire douter. Il nous fallait « matcher » leur niveau d’intensité défensive et les faire lâcher l’affaire avant nous. On a été énorme lors du premier quart-temps et… ils ont abandonné très vite.

Qu’est-ce qui manque à Antibes pour aller chatouiller les deux leaders ?

Je ne crois pas qu’il nous manque grand-chose. Juste de la constance dans l’intensité pendant 40 minutes à chaque match. L’ambiance est géniale au sein du groupe, tout le monde s’entraide et  se sacrifie. C’est un très chouette groupe. Les gars se battent. C’est aussi une des raisons qui ont fait que je suis resté. L’an dernier, l’alchimie n’était pas bonne. Les joueurs défilaient et chacun cherchait à tirer la couverture à lui. Il n’y avait pas d’entente, pas un vrai groupe. C’était une situation inédite pour moi. Là, le coach était en place, il sait comment mettre en place son système tout en laissant une vraie liberté d’expression à ses joueurs. Julien (Espinosa) est un jeune coach mais il connaît le basket. Il bosse comme un fou aussi ! Il mérite vraiment qu’on lui fasse confiance.

Pour finir… combien de temps encore allez-vous jouer ?

Aussi longtemps que Dieu et mon corps me le permettront. Franchement, je n’ai pas encore connu de match où je me suis dit : « Là, tu es trop court maintenant, ce type va trop vite pour tes vieilles jambes ». L’âge a peu d’importance finalement. Tout le monde chausse ses baskets, les lacent l’une après l’autre et s’en va sur le terrain… Et le meilleur gagne ! Et tant que je peux rentrer sur le terrain en ayant le sentiment que je peux jouer ces gars les yeux dans les yeux, je continuerai ! C’est juste le plus beau métier du monde : être payé pour pratiquer sa passion. Côté business, pour le moment, je préfère payer des gens pour le gérer à ma place plutôt que de le faire moi-même. Pendant ce temps-là, hey ! Je joue au basket !

Will Solomon sous les couleurs du Fenerbahçe Ülker Istanbul
Will Solomon sous les couleurs du Fenerbahçe Ülker Istanbul

Propos recueillis par la Ligue Nationale de Basket

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